Au-delà de la crispation réactionnaire, la « décennie abominable » qui termine le règne de Ferdinand VII est aussi le moment d'une transformation radicale de l'appareil d'État. La crise des finances publiques et la grande épuration des années 1823-1832 mettent à mal l'administration du siècle des Lumières, cependant que se modifie la relation qu'entretiennent avec l'État les groupes sociaux dont sont issus ceux que plus tard on appellera les fonctionnaires. D'importantes réformes sont alors menées par des individus inspirés par le despotisme éclairé ou par le modèle napoléonien. Des institutions nouvelles sont crées, dont le Conseil des ministres et le Ministerio de Fomento ; une refonte générale des carrières du personnel débouche sur la formation des premiers corps spécialisés. Ce double mouvement de déstabilisation et de réforme donne naissance à une nouvelle administration. Faible, corrompue et inefficace malgré une apparence centralisatrice et autoritaire, celle-ci annonce ce que sera l'État libéral en Espagne. La « décennie abominable » n'est pas seulement la fin d'un monde : elle constitue aussi un jalon essentiel dans la construction de l'État espagnol contemporain, de Ferdinand VII à Isabelle II.